La nouvelle exposition de la Fondation Cartier à Paris, « Mathématiques, un dépaysement soudain« , a ouvert ce week-end à Paris. Elle propose des reinterpretations inédites des travaux des plus grands mathématiciens contemporains (Sir Michael Atiyah, Alain Connes, Nicole El Karoui, Mikhaïl Gromov, Cédric Villani et Don Zagier) par des artistes majeurs (Raymond Depardon et Claudine Nougaret, David Lynch, Hiroshi Sugimoto, Patti Smith, Takeshi Kitano). Nous avons eu la chance, Laurent Bolli et moi-même, d’être impliqués dans certaines des réflexions préparatoires (voir mon billet « Replier des textes comme des protéines« ) et surtout dans la réalisation de deux éléments de l’exposition: une installation mathématique interactive conçue par Takeshi Kitano et désignée par David Lynch et une application iPad apprenante basée sur certains des principes mathématiques explorés dans l’exposition (j’en reparlerai dans quelques temps).
Le jeu de Takeshi Kitano s’appelle « The Answer is 2011 ». Les règles sont simples
1. Le joueur peut utiliser les nombres 1,2,3.4,5, etc. dans l’ordre.
2. Entre ces nombres il peut placer des opérateurs mathématiques comme +,-,*,/,racine carrée et factorielle.
3. Il faut créer la formule la plus courte (utilisant le moins de nombre).
C’est donc une sorte de compétition. Kitano propose lui-même plusieurs solutions, dont la plus courte est:
(1+2+3)^4 + (5 x 6 x 7 x8) – (9 x 10 x 11) + 12 + 13 = 2011
Les visiteurs de l’exposition peuvent tenter d’inventer des formules courtes par l’intermédiaire d’une installation technique désignée par David Lynch. Nous avons conçu l’écran tactile (un de nos spécialités chez OZWE) et le programme qui permet de jouer au jeu. Le tout a été installé la semaine dernière par notre équipe. Je suis passé dimanche il y avait déjà près de 50 formules dont certaines plus courtes que la solution proposée par Kitano. Quel succès !
Cela ne m’étonne qu’à moitié car pendant les dernières semaines où nous avons travaillé sur le projet, j’ai pu constater à quel point ce jeu, si simple en apparence, pouvait être addictif.
Cela a commencé par Laurent qui un matin a écrit sur notre tableau blanc :
((1*2^3)*4*5+6*7+8-9)*10 -11 + 12 = 2011.
Du coup Stéphane a proposé une formule plus longue mais typique du mode de pensée d’un informaticien:
1 – 2+3 – 4+5 – 6+7 … -4020+4021 = 2011
Alors que tout le monde se perdait dans les racines et les factorielles, Cris est venue avec une solution toute simple, à simplement neuf chiffres :
(1+2+3+4)*(5*6*7-8)-9 = 2011
Stéphane fut le premier à passer la barre des 7 chiffres
-1+2*(3+4^5)-6*7 = 2011
Alors que nous debuggions les derniers petits problèmes dans l’interface, Giancarlo Lucchini, un des mathématiciens qui participe à l’exposition a décidé de rentrer dans la compétition. Alors que l’exposition n’était même pas ouverte, nous assistions à une improbable joute mathématique franco-suisse initiée par un cinéaste japonais.
La barre des six fut atteinte, en utilisant en particulier les doubles factorielles :
((1+2)!!)*3-4!-Racine(5^6) = 2011
A une pause café à l’EPFL, je racontais tout ça à Quentin Bonnard, un de mes doctorants. Il haussa les épaules et me dit que l’espace de recherche ne devait pas être immense et qu’il suffisait de programmer un algorithme pour trouver toutes les solutions. Ce qu’il fit la nuit suivante.
Il mit le lendemain l’algorithme cracheur d’équations sur un des serveurs du laboratoire (voir la description de son algorithme ici). En quelques heures seulement il avait passé la barre jusque là infranchissable des 5 chiffres
(1+2)!!+(3!)^4 – 5 = 2011
Ecoeurement du côté des mathématiciens poètes. La force brute de la machine, la même qui avait vexé Kasparov sur le terrain des échecs, empêchait une fois de plus le plaisir de l’inventivité humaine. Triste époque où la force de la machine nous rappelle chaque jour que nous ne sommes pas si doué pour les jeux mathématiques. A moins que parmi les visiteurs de la fondation Cartier se trouve un petit génie qui pensera à une solution à 4 chiffres que l’algorithme de Quentin aurait pu, pour une raison étrange, oublier.
décembre 28, 2011 à 11 h 08 min
(1+2+3)^4-5+6! sans ordi en 1 heure à peu près!
décembre 29, 2011 à 18 h 13 min
Très beau. Mais la machine a trouver une solution à 5. ;-).
février 4, 2012 à 12 h 42 min
À l’expo j’ai laissé sur l’ardoise une solution trouvée sur le pouce, longue et illégale (operation « collage ») mais jolie: ((1+2+3+4)x(5x6x7))-89 (il y en a d’autres).
Puis j’ai trouvé une solution à 6 sans double factorielle comme claudepaul:
1+((2^3)!(4×5))-6
Mais si on accepte les factorielles (même doubles) il n’y a pas de raison d’exclure l’opération « somme » normalement representée par un sigma (ici S) Sn = n x (n+1) / 2, somme de tous les entiers de 1 jusqu’à n.
Si on accepte cette opération, on peut avoir:
(S(1+2)+(S3xS4))-5 = 2011 sans double factorielle.
Il faudrait voir ce qu’en en ferait le programme BF de Quentin Bonnard.
Comme l’expo est toujours là, j’ai trouvé une solution à 4 pour 2012: (S(-1+(2^3!)))-4 .
février 11, 2012 à 13 h 16 min
Encore le même. Je suis argentin. Notre sport national, même avant le football, est la triche. En voici un exemple flagrant:
(-1+2+3)^4 = 2011. Oui, mais en base 5:
2x(5^3)+0x(5^2)+1x(5^1)+1x(5^0) = 256 = 4^4
mars 4, 2012 à 22 h 53 min
(1+2)!!*3+4-5!-6*7+9=2011
Bravo pour votre exposition ! Surtout la première vidéo !
mars 8, 2012 à 17 h 35 min
Excellent exposition!
J’ai bien passé une heure devant le tableau noir proposé pour résoudre l’énigme, mais cela valait le coup puisque je suis repartis après avoir inscris au tableau une solution passe-partout qui peux facilement donner 2011, 2012, etc…
La voici:
(1/2)(-3+4^(5-6+7)-8*9-10+11)=2011
Bravo pour votre participation. 😉
mars 21, 2012 à 11 h 52 min
[…] Le projet de Takeshi Kitano et David Lynch : La réponse est 2011 (voir également un autre billet sur ce sujet et sur la solution inventée par Quentin Bonnard, un des mes […]